Tocotriénols : bien plus que de la vitamine E !
Pas 1 mais 8 vitamines
La vitamine E est un terme générique fréquemment utilisé pour regrouper huit molécules liposolubles différentes, à savoir: α-, β-, γ- et δ-tocophérol et α-, β-, γ- et δ- tocotriénol.
Le terme de « vitamine E » a été initialement inventé dans les années 30 pour désigner des molécules capables de limiter les risques d’encéphalomalacie (un type d’accident vasculaire cérébral) chez les poulets et dont l’absence dans la ration alimentaire de rongeurs provoquait une incapacité de développement du fœtus. A l’époque, il avait été constaté que l’ajout de germe de blé ou de laitue (aliments riches en vitamines E) à la ration des rongeurs permettait aux grossesses d’atteindre leur terme. Plus précisément, le terme de tocophérol a été inventé. Ce dernier est composé des deux racines grecques tokos : « progéniture » et pherein : « porter ». C’est sur ces bases qu’a été proposée en 1991 la définition actuelle de la vitamine E : « une vitamine liposoluble qui inhibe la destruction oxydative des membranes biologiques et qui est nécessaire à la fertilité et à la prévention de l’hémolyse chez le rat et de la dystrophie musculaire chez les volailles ».
Chez l’homme, l’activité de la vitamine E est généralement considérée comme étant uniquement liée aux propriétés antioxydantes de la structure chimique tocolique. Cependant, au cours de ces dernières années, plusieurs études ont montré que des activités spécifiques existent pour chaque forme de tocotriénols et de tocophérols. D’ailleurs, seul l’α-tocophérol possède une activité répondant pleinement à cette définition, les β-, γ- et δ-tocophérols et les tocotriénols n’ayant qu’une activité biologique très faible (<40%) vis-à-vis de la protection des membranes ou de la réabsorption fœtale.
L’α-tocophérol, la seule forme protectrice des membranes
Si toutes les formes de vitamine E sont absorbées de manière passive au niveau de la paroi intestinale, seul l’α-tocophérol est fixée à une protéine de transfert (α-TTP) lors de son arrivée dans le foie. Le complexe protéine- α-tocophérol est ensuite incorporé au LDL / HDL et VLDL pour être distribué dans les tissus. L’α-tocophérol intégrera ensuite la membrane cellulaire pour protéger ces dernières du stress oxydatif. Les propriétés de l’α-tocophérol tes très bien connu. Il protège efficacement les lipides membranaires polyinsaturés de la peroxydation, il est régénéré par la vitamine C présente dans le cytoplasme et intervient également dans le cycle du glutathion.
A quoi servent les tocotriénols ?
Si les tocotriénols ne possèdent pas ou peu d’activité antioxydante / vitaminique, alors à quoi servent-ils ?
Premièrement, les tocotriénols peuvent inhiber la croissance des cellules cancéreuses et induire l’apoptose grâce à des mécanismes spécifiques, non partagés par les tocophérols, comme la liaison au récepteur d’œstrogène β (ERβ). Plusieurs modèles animaux de cancers hormono-dépendants montrent un effet protecteur des tocotriénols vis-à-vis de la prolifération cellulaire.
Par ailleurs, les tocotriénols (notamment l’α-tocotriénol) agiraient favorablement sur la protection neuronale. Cette protection pourrait passer par l’inhibition de la mort cellulaire induite par le glutamate. Bien que cette molécule soit un neurotransmetteur très présent au niveau cérébral, l’excès de glutamate est associé à une neurotoxicité liée à une augmentation du calcium intracellulaire qui engendre une dysfonction mitochondriale. Ce mécanisme d’action a été identifié dans plusieurs maladies neurodégénératives. Ces propriétés neuroprotectives ont été vérifiées chez des souris chez qui des agents neurodégénératifs ont été injectés ainsi que chez des rats hypertendus présentant un risque accru d’accidents vasculaires cérébraux.
Enfin, les tocotriénols pourraient inhiber la lipoxygénase 12, une enzyme qui métabolise l’acide arachidonique en leucotriènes. Ces derniers étant pro-inflammatoires, les tocotriénols pourraient prévenir la survenue d’une neuro-inflammation.
Fait intéressant : dans toutes ces études réalisées sur des modèles cellulaires, les concentrations de tocotriénols utilisées étaient très faibles, et compatibles avec des apports alimentaires ou complémentaires.
Face à ces différentes activités biologiques des tocophérols et des tocotriénols, les chercheurs suggèrent de ne pas les regrouper dans le terme générique de “Vitamine E” et sur la seule base de leurs propriétés antioxydantes mais d’évaluer de manière distincte et spécifique l’activité biologique de ces molécules afin de mieux comprendre la relation entre l’alimentation et la santé. C changement implique également d’évaluer ou de réévaluer les besoins et des apports en « vitamine E » en lien avec ses différentes activités biologiques.
Où trouver des tocophérols et des tocotriénols ?
Pour mémoire, les tocophérols et les tocotriénols se trouvent principalement dans des graisses.
Aussi les huiles végétales telles que l’huile de germes de blé, l’huile de palme (non raffinée), l’huile d’argan ou l’huile d’argousier sont les sources les plus concentrées. Concernant les sources présentant un rapport oméga 6 / oméga 3 plus équilibré, l’huile de colza, l’huile d’olive les noix et les amandes sèches sont les meilleures sources, même si les apports sont 5 fois moindre que dans l’huile de palme non raffinées ou le gerle de blé. Enfin, le thon, l’avocat, le persil et les asperges pourront venir compléter modestement les apports.
Au niveau des compléments, peu de produits communiquent actuellement sur le profil en tocophérols et en tocotriénols, les formes d’apports étant bien souvent « uniquement » de l’α-tocophérol.
D’après R. Comitato, R. Ambra, F. Virgili, 2017. Tocotrienols: A Family of Molecules with Specific Biological Activities. Antioxidants 2017, 6(4), 93.
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